Plusieurs opérations récentes (INSEEC, Eduservices, Euridis Business School, Brassart, Next Group …) soulignent l’intérêt grandissant des fonds d’investissement pour le marché de l’éducation privée en France, une tendance qui devrait se confirmer dans les années à venir.

Ce marché bénéficie d’atouts solides : sous-jacents porteurs, forte résilience, faible sensibilité au prix et une consolidation en cours qui devrait continuer dans les prochaines années. Encore peu mature, ce marché offre des opportunités d’investissement intéressantes à mettre en perspective avec les tendances et réformes à venir.

Depuis une dizaine d’années, le marché de l’éducation attire les fonds d’investissement.

En réalisant 55% de l’ensemble des 51 acquisitions effectuées entre 2005 et 2018, ceux-ci se positionnent effectivement en investisseurs principaux du secteur (en volume de transactions). La proportion des fonds d’investissements dans les acquisitions dans l’Education est même montée à 59% sur la période plus récente 2013-2018 (Figure n°1). Ces dernières années, plusieurs investissements majeurs ont été réalisés en France, avec la reprise de Studialis par Galileo Global Education (Fonds Providence), le rachat des écoles du groupe Laureate par lnseec U. (Apax Partners) ou la cession récente d’Inseec U. par Apax Partners.

Les caractéristiques structurelles du secteur de l’éducation privée, notamment supérieure, expliquent l’intérêt des fonds d’investissement.

L’appétence des fonds d’investissement pour le secteur de l’éducation, et en particulier l’enseignement supérieur, s’explique par les atouts structurels du secteur : le marché est soutenu par une demande dynamique et résiliente, avec une visibilité importante sur les revenus futurs, des niveaux de rentabilité élevés, ainsi que des potentiels de synergies conséquents et des besoins importants en investissement.

Le marché de l’éducation bénéficie en effet de perspectives de croissance solides, dans le secondaire comme dans le supérieur, avec un sous-jacent démographique favorable, une proportion croissante poursuivant des études supérieures, ainsi qu’un allongement de la durée d’étude. La croissance démographique importante des 12-18 ans et 19-25 ans devrait ainsi alimenter les effectifs des collèges, lycées et établissements du supérieur. Ce sous-jacent démographique soutenu contribue à faire de la France l’un des marché d’études supérieures les plus intéressants et dynamiques d’Europe, en comparaison notamment de l’Allemagne, autre marché européen majeur mais bénéficiant d’un sous-jacent démographique plus faible.

Cette demande est par ailleurs renforcée par la contribution toujours plus importante des étudiants internationaux venant poursuivre leurs études en France (2e pays d’Europe après le Royaume Uni pour l’accueil d’étudiants internationaux) (Figure n°2). A l’international, la France tire parti de la grande qualité de ses formations, de la bonne image du pays ainsi que du coût plus faible de l’éducation par rapport aux pays Anglo-Saxons (en particulier Etats-Unis et Royaume-Uni). Enfin, le marché de l’éducation présente une forte résilience en période de crise, ce qui est tout particulièrement valorisée par les investisseurs.

L’essor du privé, en particulier dans l’enseignement supérieur, est une autre tendance profonde structurant le secteur de l’éducation. Le secteur privé offre des parcours promettant une exposition internationale importante, valorisée par les étudiants, et met en avant un suivi plus fin des élèves, ainsi qu’une promesse d’employabilité élevée. Dans le supérieur, les établissements privés ont ainsi connu une croissance de leurs effectifs plus importante que celle du public depuis 2000 (Figure n°3).

Les niveaux de marge d’EBITDA affichés par les établissements du secteur sont généralement élevés, avec toutefois des différences substantielles entre acteurs, les économies d’échelles pouvant être un levier important d’amélioration. Le secteur de l’éducation supérieure privée entre dans une phase de consolidation avec l’émergence de groupes ou plateformes multi-écoles (Studialis Galileo, INSEEC U, Ionis, Eduservices, Groupe IGS, Novetude, Eductive, …), mais le secteur reste encore profondément fragmenté, offrant une multitude d’opportunités d’investissement et des perspectives de consolidation et de build-up.

La consolidation du marché permet l’émergence de groupes de tailles plus conséquentes, et donc plus à même de bénéficier de synergies opérationnelles: développement de l’offre pédagogique et notamment de contenus digitaux, capacité d’investissement accrue dans la recherche académique, développements d’outils marketing de recrutement des étudiants, ou la mise en place d’outils de reporting permettant une forte amélioration opérationnelle.

Le secteur de l’éducation est, de plus, marqué par le virage des nouvelles technologies et de la transition digitale. D’un point de vue interne le digital transforme les modèles opérationnels à tous les niveaux de la chaîne de valeur, depuis le recrutement des étudiants jusqu’à l’animation des réseaux d’anciens et de recruteurs, le suivi et le staffing des enseignants, en passant par le développement des programmes éducatifs et leur animation. Les groupes d’éducation plaçant le digital au centre de leur stratégie sont de plus en plus nombreux, et les premiers retours permettent de constater une performance opérationnelle plus élevée chez les acteurs les plus avancés sur le digital.

Les groupes d’éducation présentent par ailleurs des besoins en capitaux de plus en plus importants pour financer leur croissance, qui passe par le développement international, l’investissement dans de nouveaux campus, les programmes de recherche, les dépenses marketing et de recrutement de professeurs, ou le développement des outils digitaux.

Le marché est donc particulièrement attractif pour les fonds de Private Equity qui élargissent progressivement leurs horizons d’investissement.

Dans un contexte de crainte de retournement du cycle économique, les qualités structurelles du secteur de l’éducation devraient attirer un nombre croissant d’investisseurs. Néanmoins, les investisseurs sur le marché de l’éducation en France devront prendre en compte des multiples d’acquisition élevés (de l’ordre de x12 EBITDA, jusqu’à x20 pour les cibles les plus valorisées), et être d’autant plus vigilant sur le positionnement de la cible d’investissement. D’autant plus que les cibles d’investissement, avec une taille suffisante, un positionnement concurrentiel solide et une marque forte, sont en nombre relativement limité dans un marché encore très fragmenté.

Historiquement, très focalisés sur le segment de l’éducation supérieure privée, les fonds de Private Equity regardent de plus en plus attentivement de nouveaux types d’investissement dans l’univers français de l’éducation, avec notamment les écoles consulaires / détenues par les chambres de commerces, ainsi que le segment de la EdTech.

La création du statut EESC (Etablissement d’Enseignement Supérieur Consulaire) en 2015 et son adoption par HEC en 2016 puis par 9 autres écoles a ouvert la voie à la prise de participations d’actionnaires privés dans le capital des établissements dits « consulaires ». Ces établissements sont ceux qui bénéficient des marques les plus fortes et d’une capacité démontrée à recruter des étudiants internationaux. Reste toutefois à déterminer combien d’écoles sont susceptibles d’ouvrir leur capital à des actionnaires privés, et surtout à définir un mode de gouvernance à même d’attirer et protéger les intérêts des différents investisseurs.

Le lancement du plan numérique pour l’éducation, visant à équiper les collégiens et lycéens en outils numériques, constitue un vecteur puissant de développement pour les EdTechs françaises. Le nombre d’entreprises dans la EdTech en France a connu une forte progression (400 créations sur la période 1998-2018) (Figure n°4). Le segment de marché reste structurellement fragmenté, avec environ 75% des entreprises du secteur comptant moins de 10 employés, mais attire des flux d’investissements croissants:  144 M€ entre le 2nd trimestre 2012 et le 2nd trimestre 2017 avec une accélération en 2017.

Ainsi, le secteur de l’éducation en France devrait continuer à attirer un nombre croissant de fonds d’investissement dans les prochaines années. Cependant, dans un contexte de multiples d’acquisition élevés reflétant la solidité des fondamentaux du secteur, l’analyse approfondie du positionnement, des perspectives de développement et de consolidation des potentielles acquisitions devient primordiale pour bénéficier pleinement des perspectives extrêmement positives de ce marché.